Débat citoyen du lundi 24 juin 2019

Nous avons testé une nouvelle formule de séance de démocratie participative le 24 juin dernier en soirée : un « Débat citoyen », qui a rassemblé des habitants de la circonscription m’ayant sollicité sur un sujet commun, la démocratie.

Ils étaient 7 habitants de la circonscription à se prêter au jeu : Bruno et Hélène, tous deux retraités de l’Éducation nationale, engagés dans des associations environnementales et citoyennes et résidant à Saint-Médard-en-Jalles ; Alain H., ancien ingénieur dans le spatial et saint-aubinois. Plusieurs mérignacais : Jean-Noël, dont le parcours professionnel s’est déroulé au sein du ministère de la Défense ; Alain D., ayant un passé dans le secteur bancaire ; Pierre, qui a fait une carrière militaire dans l’aérospatiale, accompagnait Jacques, ancien militaire également.

Tour de table

Lors de notre tour de table, Hélène nous confie qu’elle est très intéressée par la question de la démocratie et de la citoyenneté. Elle a d’ailleurs participé à une rencontre dans le cadre du Grand Débat National, et se dit interpellée par le manque de confiance manifesté à l’égard du personnel politique, des enseignants, des médecins… « On ne peut pas construire une société sans confiance » assure-t-elle.

Bruno, quant à lui, se pose des questions sur « (…) la place du citoyen dans l’organigramme de la politique actuelle ».  « Le citoyen n’existe que lors des échéances électorales. Voilà qui contribue à mettre encore plus de distance entre la classe politique et les citoyens ».

Jean-Noël, lui, s’interroge sur le niveau d’abstention des citoyens ; et sur les exigences de ceux-ci vis-à-vis de la classe politique, alors même que souvent, les plus revendicatifs comptent parmi les non-votants. Jean-Noël se dit aussi inquiet de l’assiduité des députés lors des séances de vote.

Alain H. déclare d’emblée être exaspéré par la position du Premier Ministre sur les 80 km/h, une mesure très contestée : « Doit-on donner un blanc-seing au politique et attendre jusqu’à l’élection suivante en cas d’insatisfaction ? Et quand un point n’est pas abordé dans un programme, peut-il être traité durant la mandature ? »

Alain D. évoque la mobilisation des Gilets Jaunes : « La politique veut se décider dans la rue. On ne va plus voter. Tous les samedis, on revendique dans la rue : ce n’est pas ça, la démocratie. On a voté pour accepter ce qui sort des élections, pas pour casser ce qui a été décidé par les élus légitimes ».

Procédure parlementaire

Jacques s’adresse plus directement à moi : « Vous avez fait des promesses lors de votre campagne électorale, dont celle de nous représenter à Paris. Or, j’ai vu encore dernièrement qu’une loi n’avait été votée que par 43 députés. Ça fait très mal. Vous nous demandez des efforts : pourquoi ne nous montrez-vous pas d’abord l’exemple ? ».

Il est vrai qu’en tant que député, j’ai un devoir de représentation des Français, et pas seulement de ceux qui vivent dans ma circonscription.

Mais un petit rappel de la procédure parlementaire s’impose : chaque texte de loi est d’abord déposé en Conseil des Ministres, passe ensuite au Conseil d’État, puis en Commission (il en existe 8, chacune ayant sa spécialité) qui examine et amende le texte avant son arrivée dans l’Hémicycle. Je tiens à préciser que pour chaque texte, entre 40 et 50 députés maîtrisent parfaitement son contenu, parce qu’il relève de leur domaine professionnel et qu’ils l’ont étudié au sein de leur commission.

Si l’on compte aussi les députés directement concernés par le sujet, ou qui s’y intéressent à titre personnel, on arrive à un total d’environ cent députés au fait de la spécialité du texte. Le reste des élus de la Nation examine chaque texte, bien sûr, mais la cadence et la charge de travail (groupes de travail, commissions…) sont tels qu’ils n’en ont pas toujours le temps, et qu’il faut parfois choisir le texte pour lequel on va voter. On fait alors confiance à ceux qui connaissent parfaitement leur sujet.

Il faut bien avouer, aussi, que nous sommes moins nombreux en séance de nuit. Celles-ci se déroulent entre 21h30 et 1h du matin, parfois au-delà. Peu de députés sont alors présents pour voter.

Jacques répond qu’en conseil municipal, tous les élus sont présents, alors pourquoi les députés ne pourraient-ils pas faire de même dans l’Hémicycle ? Je souligne que les conseils municipaux ont lieu une fois par mois, sinon chaque trimestre. Si tel était le cas à l’Assemblée, il est certain que les députés seraient plus nombreux et plus assidus aux séances !

L’inflation législative

Hélène intervient : les lois s’empilent. Quand va-t-on en supprimer ?

Alain H. poursuit : « Je pense que lorsqu’il s’agit de voter la loi de finance, il est important que tous les députés soient présents. Mais pour d’autres « petites lois », je pense qu’il faut déléguer. À mon sens, certaines choses n’ont pas besoin d’être légiférées. Et il est important de rappeler que chaque loi doit être appliquée. Il vaudrait mieux en faire moins pour qu’elles soient toutes appliquées. S’il y a trop de lois, on finit par ne plus savoir que l’on est en train de les enfreindre »

Il est vrai que des lois dites de « circonstance », ou lois « fait divers », sont votées. Par exemple, la loi anti-casseurs, ou la loi sur les fake news. Mais d’un autre côté, si nous, députés, ne réagissons pas aux événements sociétaux, les Français pourraient nous le reprocher, et ils auraient raison. Je suis d’accord pour dire que ce n’est pas de cette façon qu’il faut légiférer. Voilà qui replace au centre la question du rôle du législateur.

L’inflation législative est liée à la perte de confiance. Elle émane de la volonté de la classe politique d’affirmer que l’on peut tout régler avec la loi. Par ailleurs, les parlementaires et les membres du gouvernement sont attachés à ce que la loi reflète ce qui a été énoncé dans le programme politique. Je tiens à souligner que lors de l’élaboration d’une loi, le législateur se réfère toujours aux textes existants dans le domaine.

Les lois existent, mais les décrets d’application tardent souvent. Les délais sont longs. J’en veux pour preuve la procédure d’amende forfaitaire que j’ai proposée et qui a été votée en novembre 2018, mais qui n’est pas encore être appliquée à ce jour.

Taux de participation aux élections et mode de scrutin

Alain D. aborde ensuite les taux de participation aux élections présidentielles de 2017 : « Au premier tour, seulement 30% des inscrits ont voté pour le Président de la République. Au deuxième tour, les Français n’ont pas majoritairement voté pour lui, mais plutôt contre Marine Le Pen. Ce que je reproche à tous nos chefs d’État, c’est de ne pas prendre en compte l’avis des autres votants. Or chez les autres, il y aurait peut-être des choses bonnes à prendre ».

Jean-Noël : « À mon sens, le scrutin actuel n’est pas adapté. Il faudrait opter pour un scrutin proportionnel, sans tomber dans les travers de la IVe République qui changeait de gouvernement tous les quatre matins. Pourquoi ne pas choisir un système intermédiaire, avec une dose de proportionnelle ? Il faut une représentation de tous les candidats, ainsi la population sera mieux représentée. Du coup, il faudrait que tout le monde aille voter, et donc rendre le vote obligatoire, comme en Belgique ».

Hélène : « J’interprète le vote blanc comme l’expression d’une opinion, car l’électeur a fait le déplacement jusqu’au bureau de vote. Par contre, pour ce qui est de l’abstention, deux interprétations sont possibles : est-ce aussi une forme d’expression d’une opinion, ou la manifestation de l’indifférence de l’électeur ? »

Jean-Noël : « S’il n’y a pas suffisamment de participation à une élection, je propose de la réorganiser ».

Mais alors, le processus serait sans fin. Il est vrai que notre système de scrutin n’est pas satisfaisant, car il n’est pas assez représentatif de la diversité des opinions. Par contre, l’avantage du système actuel, c’est que l’on réussit à élire un candidat à la fin.

Au siècle dernier, il y avait des idéologies, des camps politiques bien marqués. De nos jours, tout cela a changé. Au sein de LaREM, nous ne partageons pas tous les mêmes opinions, mais des valeurs communes nous rassemblent.

Engagement et participation citoyenne

Nous nous interrogeons ensuite sur l’envie des citoyens de s’engager, de construire collectivement, et sur la capacité de notre société à en favoriser les conditions.

Alain H. : « Il y a bien sûr les élus, et les associations. Ils ne représentent pas la totalité de la population, mais au moins ils sont les porte-voix de certaines idées ».

Hélène : « À mon sens, ce qui nous impacte le plus, ce ne sont pas les actions politiques, mais les entreprises multinationales. J’ai parfois l’impression de voter plus avec ma carte bancaire qu’avec ma carte d’électeur ».

Jean-Noël : « Je suis membre de deux associations à Mérignac. Dans ces associations, pas de jeunes. J’ai participé aussi au conseil de développement de ma commune. J’en étais le plus jeune membre, et j’avais 62 ans ! On nous demande d’imaginer notre ville dans 40, voire 50 ans. C’est-à-dire quand aucun des membres de ce conseil ne sera plus là. Ce serait plutôt à des trentenaires, voire à des pus jeunes encore, de s’investir. Je voudrais pourtant vraiment savoir de quoi les jeunes ont besoin ».

Jacques et Alain H. : « Les indispensables sont toujours âgés. Cela devient très difficile de trouver des remplaçants aux présidents d’associations. Les gens ne s’engagent plus ».

Certaines associations emploient des dizaines de salariés. Cela n’a plus de sens. L’action des associations doit reposer sur des bénévoles. De plus, les administrateurs ne maîtrisent souvent pas le droit du travail. Dès qu’il y a un salarié, tout devient compliqué. Je suis pour l’adoption d’un modèle coopératif. Le statut associatif n’est pas adapté à un club de sport qui brasse des millions d’euros. L’objectif d’un tel club n’est pas en phase avec l’esprit de la Loi de 1901. Une association n’a pas vocation à gérer autant d’emplois ou des budgets aussi importants.

Hélène, Jean-Noël et Alain H. : « Nous vivons dans une société de consommation, les adhérents viennent dans les associations en consommateurs.  Ils n’assistent pas aux assemblées générales. On s’est laissé enfermer dans un modèle consumériste, imposé par les multinationales ».

Jean-Noël : « Nous sommes quand même, nous, l’ancienne génération, largement responsable de la société dans laquelle on vit aujourd’hui ».

Hélène : « Il y a beaucoup de jeunes dans les collectifs pour la transition écologique. Ce qui les motive, c’est la désobéissance civile. Ils ont besoin d’actions concrètes et rapides, mais non violentes ».

Je rebondis sur ce dernier propos pour parler de la mobilisation des jeunes autour du changement climatique. Il ne faut pas aborder l’écologie sous l’angle de la culpabilité, c’est le sens du message que je transmets à tous les jeunes que je rencontre. Ceux-ci sont prêts à s’engager, mais pas à subir les contraintes de l’engagement. Je suis convaincu que l’on peut les motiver, les pousser à agir, tant que ce n’est pas dans l’idée de nous remplacer.

Petit bilan de la soirée-débat

Jean-Noël, qui était arrivé mécontent en raison d’une réponse de ma part inadaptée à sa situation décrite dans son courrier, se dit satisfait de nos échanges, et de mon initiative d’inviter des citoyens à débattre.

Jacques, lui, me remercie d’avoir ouvert le dialogue, car « (…) ce n’est pas tous les jours que l’on a l’occasion de parler avec un élu ». Il me demande : « Qu’allez-vous faire de tout ce que nous avons dit ce soir ? ça ne va pas changer la France, si ? »

Je lui réponds que c’est grâce à ces débats citoyens que je me fais une idée de l’opinion des Français, et pas seulement en lisant la presse. Je privilégierai toujours les rencontres authentiques et les échanges francs avec les habitants de ma circonscription pour enrichir mon travail de parlementaire.

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