
L’Assemblée nationale a adopté définitivement, ce mardi 2 juillet 2019, le projet de loi « Pour une École de la Confiance ». Retour sur le travail parlementaire et les grands axes du texte.
Le travail des parlementaires : accords et désaccords
Au fur et à mesure des réunions que j’ai organisées, j’ai recueilli les témoignages d’acteurs de la communauté éducative de ma circonscription qui m’ont fait part de leur inquiétude au sujet de plusieurs points concernant le texte du projet de loi. Je leur ai donc adressé un courrier pour lever ces craintes. Vous en trouverez l’essentiel ci-après.
La commission mixte paritaire du jeudi 13 juin a permis à l’Assemblée nationale et au Sénat de se mettre d’accord sur une version commune du projet de loi.
Le Sénat avait introduit dans le projet de loi Pour une École de la Confiance, après l’examen à l’Assemblée nationale, plusieurs amendements qui ont suscité de vifs rejets. Il s’agissait notamment d’un amendement permettant de retenir des allocations familiales en cas d’absentéisme. Sur ce premier point, les députés de la majorité l’avaient clairement défini comme une ligne rouge : nous sommes convaincus que ce type de mesure n’est pas le bon outil pour lutter contre l’absentéisme et risque au contraire d’entraîner des effets pervers pour les familles. Cet amendement a donc été supprimé du texte.
Il s’agissait également d’un amendement interdisant le port de signes religieux ostensibles, et notamment du voile, lors des sorties scolaires. De même, cette proposition était une ligne rouge pour notre majorité. Nous souhaitons adopter une approche de la laïcité à l’École à la fois complète et sereine, qui permette le respect des valeurs de notre pays sans exclure de fait certains de nos concitoyens ; cet amendement ne nous semblait pas parvenir à cet équilibre. C’est pour cela que nous sommes parvenus à un compromis réaffirmant tout acte de prosélytisme dans le périmètre immédiat d’une école, sans pour autant stigmatiser certains de nos concitoyens. Le Ministre de l’Éducation a annoncé qu’il soumettrait ce sujet au Conseil des sages de la laïcité pour obtenir un avis objectif sur le sujet.
Quant à la principale ambition de ce projet de loi, soit l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à trois ans, je me réjouis qu’elle ait suscité un consensus parmi les parlementaires. C’est une mesure qu’il me semble important d’ancrer dans la loi pour consacrer le rôle fondamental de l’école maternelle sur le développement intellectuel et affectif de tous les enfants, peu importe où ils vivent sur le territoire français et ultramarin.
Concernant les jardins d’enfants, qui accueillent aujourd’hui les enfants de deux à six ans, le nouveau texte parvient, il me semble, à une bonne solution de transition : ces structures pourront bénéficier d’une dérogation de cinq ans pour se transformer en crèche, en école maternelle ou en école privée sous contrat. Le Gouvernement les accompagnera bien entendu dans cette transition, car le rôle qu’ont joué ces structures dans la vie de certains enfants est incontestable, notamment dans certains territoires comme Paris ou l’Alsace.
Enfin, concernant le financement des écoles maternelles privées, je tiens à rappeler que les communes avaient déjà l’obligation de financer les écoles élémentaires privées sous contrat à la même hauteur que les écoles publiques ; l’abaissement de l’âge de l’instruction à trois ans va simplement les conduire à faire de même pour les maternelles. De plus, seules les communes qui jusqu’ici n’apportaient pas leur soutien à ces structures verront leurs dépenses nouvelles compensées par l’État, comme prévu initialement. Je rappelle ici qu’il s’agit pour le Gouvernement d’une obligation constitutionnelle : l’État doit compenser auprès des collectivités territoriales les coûts causés par de nouveaux transferts de compétences.
Une des mesures ayant cristallisé les inquiétudes de la communauté éducative était la possibilité de créer des Établissements publics des savoirs fondamentaux (EPSF). Je tiens à rappeler ici encore que l’objectif n’était absolument pas d’en faire une norme mais une possibilité, un outil laissé à la libre appréciation des élus locaux et de la communauté éducative locale. Cependant, nous avons entendu les craintes et l’émotion causée par cette proposition. Cet amendement ayant été introduit en commission, le Ministre de l’Éducation nationale a reconnu qu’il n’y avait pas eu d’étude d’impact évaluant le coût de cette mesure. Le projet n’étant pas suffisamment abouti, il a été retiré de ce texte. Cela permettra de poursuivre plus sereinement les échanges avec la communauté éducative sur la question du statut des établissements scolaires et de l’école du socle, ainsi que du statut des directeurs d’écoles. L’amendement introduit par le Sénat prévoyant une autorité hiérarchique du directeur d’école sur les enseignants a également été retiré à la demande des députés de la majorité, car il ne semblait pas apporter de réponse suffisante et adéquate sur tous ces enjeux, qui doivent être approfondis.
La possibilité donnée aux élèves enseignants de se pré-professionnaliser a également suscité les débats. Les parlementaires ont rappelé que ces étudiants ne remplaceront pas les enseignants, notamment en cas d’absence ; cette mesure leur laisse seulement la possibilité de s’approprier progressivement l’environnement scolaire dès la licence 2, condition essentielle pour leur épanouissement professionnel, via un contrat de professionnalisation de 6 heures à 8 heures maximum par semaine pendant trois ans. Par ailleurs, ce dispositif permettra aux étudiants de percevoir une rémunération cumulable avec les bourses, ce qui permettra de lever le poids de la contrainte financière dans la poursuite d’études et de favoriser la mixité sociale en même temps que l’immersion sur le terrain des étudiants.
Pour continuer sur la formation, les députés ont retenu des propositions du Sénat visant notamment à améliorer la formation continue des enseignants. En prévoyant dans la loi une formation continue obligatoire, les parlementaires contraignent l’État à mieux remplir son rôle sur ce sujet, qui constitue une attente forte des enseignants. Les députés se sont en revanche opposés à un amendement du Sénat prévoyant que ces sessions devraient se dérouler « en priorité en dehors des obligations de service d’enseignement », afin de laisser aux enseignants de la flexibilité dans la gestion de leur emploi du temps. Un dialogue social approfondi devra être mené sur ces questions.
Enfin, députés et sénateurs ont garanti une grande transparence sur le fonctionnement du futur Conseil d’évaluation de l’école (CEE) en listant directement dans la loi – alors qu’il s’agit habituellement d’un décret non soumis aux parlementaires – le détail des nominations en tant que membre du conseil d’administration du CEE. Cette modification permet au Parlement de s’assurer de l’indépendance du CEE.
J’espère avoir permis aux enseignants et aux lecteurs de comprendre les discussions et les choix qui ont été retenus par les députés de la majorité et les sénateurs lors de la commission mixte paritaire. Je me réjouis que les inquiétudes des enseignants aient été entendues par les parlementaires et que des réponses aient été apportées, aboutissant à un texte équilibré. Je remercie à ce titre tous les acteurs du monde éducatif pour les échanges que j’ai entretenus avec un grand nombre d’entre eux depuis le dépôt de ce projet de loi : c’est grâce à leurs retours et à leur investissement sur ce texte que mes collègues parlementaires et moi-même avons pu réfléchir à des mesures qui soient utiles à tous.
Les grandes lignes du texte
En résumé, la loi pour une École de la confiance repose sur les mesures suivantes :
- l’abaissement de l’instruction obligatoire à l’âge de 3 ans : elle permettra à 25 000 enfants supplémentaires, dès la rentrée 2019, de suivre les enseignements dispensés à l’école maternelle. Véritable école du langage, la maternelle est une étape fondamentale dans les apprentissages. La richesse du vocabulaire, l’épanouissement intellectuel et la visite médicale dont bénéficieront ainsi tous les enfants avant 6 ans sont essentiels pour l’égalité entre les filles et les garçons.
- l’obligation de formation jusqu’à l’âge de 18 ans à partir de la rentrée 2020 est un moyen nouveau de combattre le décrochage scolaire et l’exclusion sociale des jeunes les plus fragiles. Elle concerne 56 000 jeunes mineurs qui ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi.
- L’immersion professionnelle des enseignants en devenir permettra aux étudiants qui le souhaitent d’entrer progressivement dans la carrière de professeur. Ils se verront peu à peu confier des missions pédagogiques et d’enseignement avec un contrat rémunéré, cumulable avec les bourses universitaires.
- la création d’un service public de l’École inclusive à partir de la rentrée 2019 opère un véritable changement de paradigme plutôt qu’une simple réorganisation de l’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers. Elle repose notamment sur une amélioration significative des conditions de recrutement, de formation et de travail des personnels.
Lire le texte intégral : projet de loi Pour une Ecole de la Confiance.
« L’École de la confiance, c’est cette communauté unie des adultes qui fera progresser collectivement l’École et permettra à notre société d’être plus sereine et plus heureuse ».
Jean-Michel Blanquer, discours à l’Assemblée nationale, 12 février 2019.