
Cet événement s’inscrit dans un projet plus large que je développe depuis le début de mon mandat, celui de favoriser la participation citoyenne dans la vie politique, c’est-à-dire associer les citoyens de la circonscription à la réflexion et à la construction de mon travail législatif grâce à leurs questions, leurs remarques et leurs témoignages.
J’ai eu le plaisir de recevoir quatre citoyens préalablement tirés au sort sur les listes électorales des sept communes de la circonscription ce samedi 26 mai pour discuter à bâtons rompus autour d’un déjeuner. Un seul mot d’ordre : la convivialité.
Il s’agit du premier « déjeuner citoyen » que j’organise. Je souhaite renouveler régulièrement cette initiative et lancer ainsi un cycle de rencontres citoyennes. L’objectif est de pouvoir échanger avec des citoyens tirés au sort sur leur vie quotidienne, les problématiques auxquelles ils font face, de connaître leurs préoccupations et ce qui les enthousiasme.
Nous avons ainsi échangé sur des sujets comme le rôle du député en circonscription et à l’Assemblée nationale, mais aussi les difficultés rencontrées dans la vie professionnelle, la formation professionnelle et l’apprentissage, l’économie, la mobilité dans la circonscription…
Tour de table
Autour de la table, Denis 48 ans, habitant de Saint-Médard-en-Jalles, commerçant et gérant d’un magasin employant trois personnes.
François, 51 ans, habitant de Mérignac, est artisan en aménagement de parcs et jardins. Il emploie une quinzaine de personnes.
Ludovic, 46 ans, habitant de Saint-Aubin de Médoc, est ouvrier dans le bâtiment.
Jean-Pierre, 54 ans, vit au Taillan-Médoc et travaille depuis quelques années dans un groupe de fourniture d’énergie.
Être député : pourquoi ? comment ?
Denis se montre curieux de mon parcours : qu’est-ce qui prédestine à entrer en politique ? Je lui explique mon cheminement dont le fil rouge est le service public, tout d’abord en tant que fonctionnaire territorial, puis en tant que directeur de cabinet du maire de Saint-Médard-en-Jalles de 2008 à 2014, mon investissement dans le secteur associatif, puis la création d’un laboratoire d’idées « Audace républicaine », et enfin de l’antenne girondine du mouvement En Marche… Je n’étais pas prédestiné à être député, je n’ai pas fait droit, ni Sciences Po, je pense que mon parcours illustre bien ce nouveau souffle que le Mouvement de La République En Marche apporte à la vie politique française. Je souhaite que mon élection donne envie à d’autres personnes de se lancer dans cette belle aventure. C’est ce que je dis systématiquement aux jeunes quand j’interviens dans les lycées : lancez-vous ! Il faut y croire et oser.
Le rôle du député et de l’Assemblée nationale n’étant peut-être pas familier à tous, je débute par une courte présentation du mandat, entre nos deux lieux de travail, Paris et la circonscription. Je rappelle le bouleversement créé par les élections législatives de 2017 : 350 nouveaux mandats sur les 577 députés que compte l’Assemblée, la hausse du nombre de femmes députées, passant de 26,9% dans la précédente législature à 38,8%, la baisse de l’âge moyen des députés de 55 à 49 ans, etc.
Jean-Pierre m’interroge sur les contraintes liées à la fonction de député : « Et le week-end, y a-t-il des responsabilités à exercer ? ». Bien sûr, il peut y avoir des événements officiels, des commémorations, des événements publics, mais je cherche aussi à préserver ma vie de famille. J’ai choisi pour le moment d’organiser ce « déjeuner citoyen » le samedi. Et pour pouvoir rencontrer aussi les personnes qui ne sont pas disponibles le samedi, je pensais également organiser ces moments en début de soirée. Mais je ne me plains pas. J’ai fait ce choix. La fonction de député est très prenante. Une chose est certaine selon moi : on ne peut pas faire ça toute sa vie.
Vie professionnelle
Puis François exprime les difficultés qu’il rencontre dans sa vie professionnelle en raison du manque de débit de sa connexion Internet : « J’ai du mal à télécharger des appels d’offres, à envoyer des dossiers… ». Le gouvernement s’est engagé à ce qu’il n’y ait plus de « zone blanche » en 2025, ce qui contribuera grandement à simplifier la vie des entreprises et des particuliers. Par ailleurs, le projet de loi ELAN s’engage à équiper tous les logements d’une connexion à très haut débit. Le Président du département a signé le 1er juin une convention avec Orange pour lancer le plan « Gironde Haut Mega ». Toutes ces actions convergent vers un objectif : lutter contre la fracture numérique encore trop présente sur nos territoires. C’est quelque chose que je constate régulièrement sur le terrain et quand je rencontre les habitants des communes de la 6ème circonscription.
Pour sa part, Denis se heurte aux problèmes posés par le portail de services numériques SYLAé[1]. Il n’est pas contre la dématérialisation, mais il ne parvient à joindre personne pour l’aiguiller concernant sa demande d’aide à l’embauche qu’il tente de finaliser et d’obtenir depuis septembre 2016.
Apprentissage et formation professionnelle
Chemin faisant, le sujet de l’apprentissage est abordé : Denis s’interroge sur l’avantage que présente un tel dispositif aujourd’hui pour un employeur. François, qui emploie deux apprentis, lui répond que l’apprentissage ne présente aucun avantage fiscal. Il le considère plutôt comme un vivier de salariés potentiels : « On est en lien avec le jeune. On le voit évoluer au sein de l’entreprise ». Il ajoute, convaincu par le dispositif de formation : « Contrairement à d’autres jeunes, les apprentis s’en sortent mieux car ils ont déjà une expérience professionnelle ». Ludovic, dont le fils est apprenti dans la restauration, confirme ce bénéfice pour les jeunes. François déplore cependant un décalage entre monde professionnel et CFA, et le manque de communication entre les deux.
Denis quant à lui reste convaincu que pour développer l’apprentissage, « il y a aussi un travail d’éducation à faire auprès des parents. On veut le meilleur pour ses enfants, et les études générales restent l’option la plus sûre ». Certains contre-argumentent en répondant qu’un employeur ne se risquerait pas toujours à recruter un jeune issu d’une filière généraliste. Pour Jean-Pierre, « Il faut encourager les jeunes à aller vers des filières techniques, et que le jeune ose dire ce qu’il veut faire aussi. Mais il y a la pression de la famille… ».
Un autre problème est que 95% des métiers sont invisibles, ou inconnus. Et les parcours scolaires actuels présentent le risque de devenir des fabriques à gâchis. Denis ajoute : « Les écoles ne devraient-elles pas proposer plus de journées portes ouvertes ? ». Les projets du gouvernement vont en tout cas dans le bon sens : aiguiser la curiosité des jeunes, développer leurs compétences et accompagner les changements de carrière. « Avant, on gardait le même métier toute sa vie. Quand j’ai voulu quitter la première société pour laquelle je travaillais, mes parents s’y sont opposés, raconte François. Aujourd’hui, c’est différent ».
De son côté, Jean-Pierre constate que dans beaucoup de sociétés, il manque des chauffeurs et des cuisiniers : « Manque-t-on de jeunes pour aller vers ces métiers, ou manque-t-on de formations ? ». La réforme de la formation professionnelle devrait apporter des solutions : le constat est qu’aujourd’hui, trop d’argent se perd entre les différents acteurs, les OPCA, les organismes de formation… et cela ne profite pas aux salariés.
Le plus souvent, ce sont les salariés déjà formés et les plus informés, cadres et professions intellectuelles, qui en profitent, alors que les moins qualifiés en auraient davantage besoin pour maintenir leur employabilité dans l’entreprise. Aussi, il est prévu que le Compte Personnel de Formation (CPF) soit exportable d’une entreprise à une autre, que les financements soient plus maîtrisés (le salarié disposera d’une enveloppe de formation en euros, et non plus d’un quota d’heures de formation) et que chacun puisse bénéficier de formations tout au long de sa vie.
« Les métiers de la restauration sont des métiers difficiles, intervient Denis, car on y travaille pendant que les autres prennent du bon temps, en venant au restaurant le soir et le week-end. Quel attrait pour les jeunes ? La rémunération elle-même est un repoussoir. Il faut arrêter d’étouffer les commerces avec des charges, pour leur permettre d’augmenter les salaires ».
Rétablir les équilibres
Denis s’irrite du fait que la lumière médiatique soit mise sur des métiers qu’il considère privilégiés en regard des artisans qui investissent toutes leurs économies dans le financement de leur projet d’entreprise, essaient de créer de l’emploi, échouent dans plus d’un tiers des cas au bout d’un an, et dont personne ne parle. « Quid des retraites des fonctionnaires, et celles des TNS [2] ? Il faut rétablir les équilibres. Partir sur un pied d’égalité. » Nous sommes tous d’accord sur l’utilité du service public, et aussi sur l’inefficacité de son fonctionnement. Je suis d’avis qu’il vaut mieux réconcilier plutôt que dresser les gens les uns contre les autres. Aussi suis-je partisan de la convergence des régimes de retraite public-privé.
Jean-Pierre rebondit sur le principe d’équilibre pour aborder une autre question : « En économie, il est important de payer le bon prix. Les producteurs de lait, d’œufs ne gagnent pas leur vie. Travailler 90 heures par semaine pour gagner 700€ à la fin du mois, ce n’est pas normal ». C’est ce qui fait sens avec le projet de loi EGALIM (pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable) qui vise à permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail, en leur octroyant le droit de fixer leurs prix en fonction de leurs coûts de production.
Je profite du tour que prend la conversation pour préciser la notion de « start up nation » relayée à maintes reprises dans les médias et souvent mal interprétée. En fait, l’idée du Président et du gouvernement est de fournir les conditions propices à la création d’une activité et d’emploi. C’est redonner confiance aux investisseurs, faciliter la vie des TPE-PME (Très Petites Entreprises-Petites et Moyennes Entreprises), accompagner la formation des actifs. Il est bien sûr nécessaire de garder des amortisseurs sociaux, mais l’équilibre budgétaire et l’efficacité en termes d’insertion doivent être des priorités.
Est ensuite évoqué l’état dégradé de l’avenue du Pagnot à Saint-Médard sur laquelle on déplore un accident chaque semaine. Jean-Pierre demande des nouvelles de la déviation du Taillan-Médoc. La sécurité fait aussi l’objet d’un constat alarmant : sur quatre représentants de la circonscription que je reçois aujourd’hui, trois ont été victimes d’au moins un cambriolage. Jean-Pierre se souvient : « Au-delà du préjudice matériel, c’est une violation. On la garde longtemps en mémoire, c’est dur à vivre ». Je rappelle qu’il existe des dispositifs du type « Vigilance citoyenne » qui peuvent limiter leur nombre et que la Gendarmerie obtient des résultats significatifs et communique sur les actions de prévention.
Après le café, chacun exprime son ressenti sur cette rencontre. « Sympa », « agréable », « à vivre », « une occasion qui ne se présente pas tous les jours » sont les formules partagées. Je suis très content de ce repas et ravi de lancer ce format de rencontres régulièrement.
Mon rôle de député, en parallèle des missions plus traditionnelles de vote de la loi, de contrôle des actions du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, est aussi de promouvoir la transparence et l’accessibilité aux élus. Je remercie Denis, François, Ludovic et Jean-Pierre d’avoir répondu favorablement à mon invitation. Je suis très satisfait de l’authenticité de nos échanges, de la découverte mutuelle de nos parcours respectifs et de ce moment privilégié qui fait entrer un peu plus les citoyens dans la sphère du politique et de la participation citoyenne.
[1] SYLAé est un portail de services en ligne qui permet à l’employeur bénéficiant de contrats aidés de déclarer les états de présence des salariés concernés. L’objectif est d’échanger avec l’Agence de Services et de Paiement (ASP) qui gère et verse ces aides publiques.
[2] Les chefs d’entreprise bénéficient, en fonction de la forme juridique de leur société et de leur pourcentage de détention dans cette dernière, d’un statut social qui est celui de dirigeant assimilé salarié ou de TNS – travailleur non salarié.